Derrière chacune de nos terrasses se cache votre appartement

Christian Houge Notre maison brûle !

Le photographe enflamme les regards et les consciences.

Ardent défenseur de l’environnement, l’artiste norvégien scénarise le conflit homme-animal.

Enfant, le jeune Christian était totalement fasciné par un petit crocodile empaillé posé sur le bureau de son père. Avec ses yeux vifs et luisants plus vrais que nature, l’inquiétant animal était-il bel et bien mort, ou ne vivait-il pas encore un peu ?
Et quelle avait été son existence et ses souvenirs avant de rencontrer les humains ? Retour aux sources. Une quarantaine d’années plus tard, le photographe norvégien, deux fois nominé au prestigieux prix Pictet et exposé dans de nombreuses galeries d’art aux Etats-Unis, en Europe et en Asie, a entrepris d’utiliser cette réminiscence comme point de départ et comme pivot central d’une nouvelle série de clichés qui prolonge son leitmotiv artistique : explorer la relation que l’homme entretient avec la nature. « La photographie est pour moi une manière fantastique de découvrir et d’essayer d’approcher la « réalité » de la vie. Le fait d’arriver à capturer, à saisir quelque chose dans ma propre recherche, est susceptible de toucher d’autres personnes qui se posent les mêmes questions que moi sur la vie, les gens, la culture, le monde dans lequel elles vivent », explique l’artiste qui vit et travaille à Oslo où il est né en 1972.

« Des flammes pour redonner vie »

Incendie. Exposée cette année à Stockholm, à Oslo, et sous les cimaises de la galerie Omnius à Arles, pendant le festival de la photographie, la série « Residence of Impermanence » ne se limite pas au seul dramatique et spectaculaire incendie de plusieurs trophées de chasse et de corps d’animaux taxidermisés. Au-delà de la flamboyante destruction de cadavres d’ours, de perroquets, de serpents, de zèbre et d’antilope… la mise en scène d’une combustion photographique réglée au millimètre vise un autre objectif selon son auteur : le paradoxe de redonner vie, l’espace d’un court instant, à ces animaux empaillés, leur offrir un nouveau moment de vitalité, leur accorder un bref moment de gloire, durant lequel ils semblent alors « ressuscités » avant d’être finalement « libérés » dans un certain sentiment de paix.

« Des braises pour s’interroger »

Parabole. Mais le mal est fait et l’observation de toutes ces carcasses calcinées sait parfaitement y faire pour semer le trouble au plus profond de l’esprit du spectateur aussi subjugué que décontenancé. Il est alors à bonne température pour s’interroger et se poser des questions autour du rapport coupable que l’homme entretient avec les habitants de la faune sauvage, et de façon plus générale, sur l’impact que l’humanité a sur son environnement et notre planète. « La maison brûle et nous regardons ailleurs »,
avait alerté en son temps, feu Jacques Chirac. « Je suis fasciné par le fait d’atteindre l’intériorité profonde d’autres personnes et de les inviter à se voir sous un autre jour. L’émerveillement de l’esprit humain et de l’âme ne cesse de me fasciner. Mon objectif est de me plonger dans un sujet d’une manière rapide et justement introvertie, pour ensuite essayer de le partager d’une manière largement extravertie. Voilà pourquoi je suis devenu photographe ». Pari réussi.

Emmanuel Monvidran

http://cargocollective.com/christianhouge

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